Ce qui guide les pratiques d’enseignement d'aujourd’hui
Les pratiques de l’enseignement moderne sont en évolution. Elles ont longtemps été conceptualisées dans le cadre du paradigme positiviste et sont de plus en plus abordées par le biais du paradigme constructiviste. Pour chacun d’entre eux, nous allons l’expliquer puis expliquer une théorie de l’apprentissage qui y est relié, enfin, une réflexion personnelle terminera le blogue.
Explications
théoriques
Dans
le paradigme positiviste, la connaissance et la réalité sont comprises comme
étant déconstructibles en partie, elles-mêmes pleinement transmissibles du
professeur vers l’élève (Ménard et St-Pierre, 2014). C’est de cette
compréhension que l’évaluation par objectifs émerge. Les objectifs sont des
tâches simples résultantes de la déconstruction de concepts complexes. De cette
compréhension découle aussi le format de classe classique, de l’enseignement
magistral donné par un professeur connaissant transmettant sa matière de façon
statique à une classe d’élèves passifs (Alexandrie FGA, 2015).
Dans
ce paradigme, le béhaviorisme, une théorie de l’apprentissage, a été
particulièrement influent. Il s’intéresse aux comportements observables et ne
se penche pas sur les mécanismes internes de l’apprentissage. Son influence sur
les études en psychologies est dominante entre les années 1920 et 1950
(Kozanitis, 2005). L’apprentissage y est conçu comme s’opérant selon la formule
stimulus-réponses. Il se fait donc par renforcement et conditionnement. L’élève
reçoit une information, et doit l’apprendre. On évalue sa capacité à apprendre
à travers une série d’objectifs simples et sa performance est renforcée
lorsqu’elle est bonne ou punie si elle est mauvaise.
Le
paradigme constructiviste conçoit l’apprentissage de façon bien plus complexe.
On y conçoit l’étudiant comme étant l’acteur de son apprentissage. Le
vocabulaire mobilisé par Joannaert est éloquent. Il affirme que le
constructivisme conçoit l’apprentissage, qu’il nomme « projet de connaissance
», comme étant l’interaction entre l’apprenant, le « sujet connaissant » et la
matière, l’« objet de connaissance » (Joannaert, 2006, p.2). Le choix de mot
reflète l’aspect actif autant de l’élève que de l’apprentissage. C’est de
l’idée que la connaissance est une construction que le mot tient son origine.
Il en découle une séparation conceptuelle entre connaissance et
savoir. Ainsi, « les connaissances [relèvent] de la personne qui les
a construites, les savoirs [sont] plutôt fixés par un groupe social
» (Joannaert, 2006, p.7, citant Conne 1992). On voit ici une rupture avec
les positivistes pour qui cette distinction n’existe pas, et pour qui
l’apprentissage est le simple transfert de savoir.
Les
approches cognitivistes soutiennent les tenants du constructivisme (Leduc et
Potvin-Rosselet, 2020). Ils se sont penchés sur les processus cognitifs de
l’apprentissage et le conçoivent tel un processus « de traitement de
l’information » (Ménard et St-Pierre, 2014, p.31). C’est-à-dire qu’un système
existe et qu’il y a moyen de l’analyser. C’est de leurs travaux appliqués que
ressortent plusieurs découvertes importantes telles la compréhension de
l’apprentissage comme un processus d’établissement de relations entre qui est
déjà connu et l’information nouvelle, le rôle actif de l’individu dans ce
processus ainsi que les rôles distincts de la mémoire à court et à moyen terme
(Rocheleau, 2009).
L’approche
découlant du constructivisme prescrit l’évaluation par compétences. Il s’agit
d’engager l’étudiant dans des tâches complexes, qui ne sont donc pas
déconstruite en objectifs, en situations authentiques, où la connaissance est
intégrée par la participation active et la concertation des étudiants
travaillant sur des projets et où le professeur est davantage là pour guider
les apprentissages plutôt que de déverser son savoir (Alexandrie FGA, 2015).
Réflexions
personnelles
Ce
changement de paradigme me semble pertinent dans le cadre d’une société
changeante. Avec la démocratisation d’internet, nous passons d’une société dans
laquelle l’information est rare, et connue par quelques experts dans chaque
domaine, à une société marquée par une abondance d’information. De plus,
l’économie du savoir est plus diversifiée et complexe que celle, davantage
manufacturière, qui existait au temps des béhavioristes. Il ne s’agit plus de
savoir les choses par cœur, il s’agit de résoudre des problèmes complexes dans
une société qui évolue rapidement. Il faut évidemment que le monde de
l’éducation, notamment supérieure, s’adapte à cette réalité pour rester
pertinent dans la société moderne. Ainsi le changement difficile de paradigme
entre positivisme et constructivisme reflète bien ce besoin de s’adapter à la
société moderne.
Sur
une note personnelle, il m’apparait crucial que l’enseignement soit « centré
sur l’apprentissage de l’étudiant » (Ménard et St-Pierre, 2014, p.21), mais
j’ai encore de la difficulté à concevoir comment ceci se traduit dans le
concret. Je trouve fantastique l’idée de rendre mes étudiants actifs dans leurs
apprentissages et de les stimuler par le travail en collaboration, mais je me
souviens de mes nombreux projets en équipes comme étant une tâche à diviser
puis faire individuellement, en plus de souvent devoir faire bien plus que ma
partie à cause de la nonchalance de mes collègues passifs. Bref, le défi pour moi
sera d’intégrer la pratique d’auto-évaluation et d’actualisation de ma
pédagogie sans tomber dans les raccourcis associés avec une mauvaise
intégration entre la théorie constructiviste et la pratique de l’enseignement.
Bibliographie
Alexandrie
FGA [pseudonyme]. (2015, 16 octobre). D'un paradigme à l'autre [vidéo]. Youtube. https://www.youtube.com/watch?v=ZxhrvF-y2hU
Jonnaert,
Philippe. (2006). Constructivisme, connaissances et savoirs. Transfert.
Vol.3. p.5-9
Kozanitis,
A. (2005). Les principaux courants théoriques de l’enseignement et de
l’apprentissage : Un point de vue historique. Bureau d’appui
pédagogique - École polytechnique de Montréal.
Leduc,
D. et Potvin-Rosselet, E. (2020). Deux paradigmes, Deux logiques. [Présentation
PowerPoint]. https://uqam.ca.panopto.com/Panopto/Pages/Viewer.aspx?id=2b2fb663-99b3-4328-a202-ab3b0106b25d
Ménard,
L. et St-Pierre, L. (2014). Se former à la pédagogie de
l’enseignement supérieur. Montréal : Association québécoise de pédagogie
collégiale (AQPC).
Rocheleau,
Johanne. (2009). Les théories cognitivistes de l’apprentissage.
Trois-Rivières : Université du Québec à Trois-Rivières.
Bonjour Gaël,
RépondreSupprimerJ’ai bien apprécié ton billet. Je trouve très pertinent le lien que tu fais entre le changement de paradigme en enseignement et les changements sociaux qui se sont produits durant les dernières décennies. De la même manière que tu le présentes, je crois que l’évolution des activités économiques d’autre fois, qui étaient majoritairement manufacturières, à celle d’aujourd’hui où une plus grande majorité de travailleurs doivent résoudre des problèmes complexes peu expliquer, en partie, l’adaptation du monde de l’éducation.
Être en mesure de bien comprendre des concepts, les liens qui les unissent ainsi que d’avoir développé une intuition par rapport à ces derniers est des atouts requis pour la résolution de problèmes complexes. Selon mon expérience personnelle, tous ces apprentissages sont réalisés lorsque je suis placé en situation où je suis en mesure d’interagir avec eux. Ce qui est en accord avec les bases du paradigme constructiviste (Ménard & St-Pierre, 2014).
Comme toi, je crois que l’enseignement doit se centrer sur l’apprentissage de l’étudiant, et cela implique de comprendre le « comment » il apprend. Mon expérience sur les travaux collaboratifs est semblable aux tiennes, dans le sens où il y a toujours une frustration liée à des collègues passifs. D’ailleurs, à force de faire des travaux en équipe, je me suis rendu compte que, même en dehors d’un cadre pédagogique, il est fréquent qu’une personne s’implique moins. Ce qui m’a fait réaliser que les travaux collaboratifs m’ont permis d’apprendre à gérer ce type de situation, même si cet objectif d’apprentissage n’était pas visé. Et ce type d’apprentissage pourrait très bien être expliqué en suivant le paradigme du constructivisme.
Référence
Ménard, L., & St-Pierre, L. (2014). Se former à la pédagogie de l’enseignement supérieur. Association québécoise de pédagogie collégiale (AQPC),.